Revue de presse

"Loi contre les dérives sectaires : le Sénat, un peu trop sensible à la pression" (charliehebdo.fr , 15 jan. 24)

17 janvier 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Propulsé au Sénat en même temps que la loi immigration, le projet de loi de lutte contre les dérives sectaires y a subi quelques liftings malvenus selon les principales associations de lutte contre les dérives sectaires. Coup politique, mauvaise rédaction d’articles, pressions de l’extérieur… Les mouvements sectaires ont encore de beaux jours devant eux.

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[...] Sur les sept articles proposés, il n’en reste plus que quatre. L’article 1er du texte qui proposait de créer un nouveau délit de placement ou de maintien en état « de sujétion psychologique ou physique » ? Supprimé. « Le Conseil d’État avait donné un avis pourtant favorable à cet article, se désole auprès de Charlie Catherine Katz, présidente de l’Unadfi (Union nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes). Il était peut-être un peu trop généraliste dans sa formulation mais on aurait pu le modifier afin de restreindre son champ d’action plutôt que de l’enlever sans discussion possible. » De fait, rédigé tel quel, l’article 1 pouvait s’appliquer à diverses situations, des violences conjugales à l’autorité d’un professeur. Mais pour Catherine Katz, il aurait suffit de deux mots pour recadrer le débat : « manœuvre d’endoctrinement ». « À partir du moment où l’on parle d’endoctrinement, on ne parle, par exemple, plus de couple : le mari ou l’épouse n’ayant pas de doctrine ! Il y avait un double avantage à ajouter ces deux mots : cela limitait l’article aux dérives sectaires et c’était un langage juridique. »

L’article 2 qui instaurait une circonstance aggravante « d’abus de vulnérabilité » pour certaines infractions ? Supprimé. « Ces articles ont été supprimés car nous avons estimé en Commission des lois, puis en séance, que l’arsenal pénal existant permettait déjà de sanctionner les auteurs de ces infractions », justifie Lauriane Josende, sénatrice LR et rapporteuse du projet de loi. Si certains voient dans ces retoquages une volonté de « torpiller le gouvernement », pour cette dernière, celui-ci a surtout voulu aller trop vite mais pas assez fort : « Ce texte est là pour des effets d’annonce, il est trop prématuré. » Et de citer les travaux de Jacques Mézard, ancien sénateur et ministre et actuel membre du Conseil Constitutionnel. En 2013, l’ex-encarté au Parti Radical de Gauche avait ainsi produit un rapport de 300 pages contenant près de 40 propositions sur « l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé ». Las, le gouvernement n’a pas daigné piocher dedans.

C’est précisément sur le domaine de la santé que les sénateurs ont fait de la résistance. L’article 4 du projet de loi, également supprimé, visait à punir d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ceux qui se rendaient coupables de « provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique. » Comprenez : si un charlatan vous enjoint à abandonner votre chimiothérapie pour votre cancer du côlon pour la remplacer par du jus de carottes, c’est la sanction. Une disposition crucial dans une France post-Covid, où les charlatans se sont multipliés dans le domaine dit du « bien être », à grand renfort de théories du complot et de discours pseudo-scientifiques.

Mais pour le Sénat, cette disposition a été jugée non essentielle, les sanctions pour « exercice illégal de la médecine » ou de la pharmacie existant déjà. « Nous sommes dubitatifs, admet à Charlie Emmanuel, membre de l’association Gemppi qui lutte contre les dérives sectaires. Le Conseil d’État a estimé que cela ferait doublon avec les infractions déjà existantes mais l’article 4 ne recouvrait pas les mêmes faits. Selon eux, cet article priverait la liberté des individus de choisir leur parcours de soin, selon nous, il condamne les personnes qui produisent un discours mensonger d’abandon de soins. Nous ne visons pas les croyances, mais l’abus de croyance d’autrui. » Une analyse partagée par Catherine Katz : « Les enquêteurs spécialisés comptaient sur cet article. Les oppositions du Conseil d’État, puis du Sénat, sont, à mon sens, le fait d’une méconnaissance de ce qu’est une emprise mentale. » [...]"



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